Les Sculptures du Parthénon ou » marbres d’Elgin » : un dialogue infructueux
Dans le cadre de la 24e session du Comité intergouvernemental de l’UNESCO pour le retour des biens culturels à leurs pays d’origine (ICPRCP), qui s’est tenue du 29 au 31 mai 2024, la question du retour des sculptures du Parthénon a été discutée, étant fermement à l’ordre du jour dans ce cadre, depuis 40 ans.
La délégation grecque a présenté en détail et de manière approfondie l’histoire de l’affaire et les positions de la Grèce sur la question des sculptures du Parthénon. À travers les témoignages de voyageurs et de savants de l’époque d’Elgin, elle a documenté l’enlèvement très violent des sculptures architecturales du monument. Elle a souligné l’absence de firman et de documents sultaniques relatifs et l’appropriation illégale des sculptures par Lord Elgin, avant qu’elles ne finissent au British Museum.
De mauvaises conditions de préservation
La délégation grecque a particulièrement mis en avant la question de la maltraitance du Parthénon pendant leur séjour au British Museum et leurs mauvaises conditions de stockage, dès le 19e siècle jusqu’à aujourd’hui.
Elle a informé les membres de la Commission des efforts continus, mais jusqu’à présent infructueux, du côté grec pour entamer un dialogue avec le Royaume-Uni afin de trouver une solution à ce problème de longue date, conformément aux recommandations et décisions de l’UNESCO. Elle a déclaré que les sculptures du Parthénon et le symbolisme qu’elles contiennent font partie intégrante du patrimoine culturel grec et de l’identité culturelle grecque. Enfin, elle a appelé le Royaume-Uni, qui est membre du Comité intergouvernemental pour la première fois, à démontrer en pratique sa volonté de se conformer aux recommandations et décisions de l’organisation internationale.
Le Royaume-Uni, dans sa propre position, a maintenu ses positions fixes sur la question, réitérant que le cadre juridique en vigueur ne permet pas le retour des sculptures du Parthénon en Grèce, soulignant qu’il n’y a pas d’intention du gouvernement de modifier la loi spécifique.
https://webcast.unesco.org/events/2024-05-24PRBC/#
Ecouter de 3.36 à 4.03
La présentation de la délégation grecque et ses arguments ont été chaleureusement accueillis par la grande majorité des États membres du Comité intergouvernemental (Italie, République tchèque, Russie, Libye, Irak, Inde, Chili, Venezuela, Panama, Guatemala, Gabon, Zambie, Égypte), mais aussi par les États observateurs (Turquie, Palestine, Nicaragua, Honduras, Brésil) qui ont fortement soutenu les positions grecques et ont demandé avec insistance au Royaume-Uni de rendre les sculptures à la Grèce, afin de les réunir avec le Parthénon, un monument-symbole de la civilisation occidentale.
Le Comité intergouvernemental a adopté une recommandation, dont le texte, entre autres :
- Se réfère à ses recommandations et décisions antérieures,
- Exprime sa profonde préoccupation que la résolution de la question reste en suspens depuis longtemps,
- Appelle une fois de plus les deux parties à intensifier leurs efforts pour résoudre le différend en tenant compte des dimensions historiques, culturelles, juridiques et morales de la question,
- Demande au Directeur général de l’UNESCO d’aider à organiser les réunions nécessaires entre la Grèce et le Royaume-Uni afin de parvenir à une solution mutuellement acceptable sur la question des sculptures du Parthénon,
- Décide d’inscrire la question des sculptures à l’ordre du jour de la 25e session du Comité intergouvernemental.
La délégation grecque était composée du Secrétaire général à la Culture, Georgios Didaskalou, du Directeur général du Musée de l’Acropole, le Prof. Nikolaos Stambolidis, de la Directrice générale des Antiquités et du Patrimoine culturel, Olympia Vikatos, et de la Cheffe de la Direction de la Documentation et de la Protection des Biens Culturels, Vasiliki Papageorgiou. Du Ministère des Affaires étrangères, la Cheffe du Département du Droit International, Artemis Papathanasiou, et de la Délégation permanente de la Grèce auprès de l’UNESCO, le Représentant permanent, l’Ambassadeur Georgios Koumoutsakos, ont participé
Histoire des Sculptures du Parthénon
Origines et Création
Les sculptures du Parthénon, également connues sous le nom de marbres du Parthénon, ont été créées entre 447 et 432 av. J.-C. sous la direction du célèbre sculpteur Phidias. Commandées par Périclès pour orner le temple dédié à Athéna Parthénos sur l’Acropole d’Athènes, ces sculptures comprennent des frises, des métopes et des frontons.
- Frise : Une longue bande de reliefs représentant la procession des Panathénées, une fête religieuse en l’honneur d’Athéna.
- Métopes : 92 panneaux sculptés représentant diverses scènes mythologiques, notamment des combats entre les Lapithes et les Centaures.
- Frontons : Sculptures en haut-relief des deux frontons du temple représentant la naissance d’Athéna et la lutte entre Athéna et Poséidon pour la domination de l’Attique.
L’époque Byzantine et Ottomane
Au cours de l’Empire byzantin, le Parthénon a été converti en église chrétienne dédiée à la Vierge Marie. Plus tard, pendant la période ottomane, il est devenu une mosquée. Ces conversions ont entraîné quelques modifications structurelles et la perte de certaines sculptures.
Déplacement et Dégradation
En 1687, lors du siège d’Athènes par les Vénitiens, une explosion dans le Parthénon, utilisé comme dépôt de poudre par les Ottomans, a causé des dommages importants, dispersant et brisant plusieurs sculptures.
L’enlèvement par Lord Elgin
Au début du 19ème siècle, Thomas Bruce, 7e comte d’Elgin, aurait obtenu un firman (décret) des autorités ottomanes pour enlever certaines des sculptures. Entre 1801 et 1812, il fait transporter environ la moitié des sculptures survivantes à Londres. Ces œuvres sont connues sous le nom de « Marbres d’Elgin ».
Elgin a affirmé qu’il agissait pour préserver les sculptures, qui risquaient d’être endommagées ou détruites. Cependant, l’enlèvement des marbres a été controversé dès le début et reste un sujet de débat passionné.
Les Marbres d’Elgin au British Museum
En 1816, le gouvernement britannique achète les marbres d’Elgin et les place au British Museum, où ils sont exposés depuis. Ces œuvres constituent l’une des principales attractions du musée.
Controverses et Réclamations
La Grèce demande officiellement le retour des marbres du Parthénon depuis son indépendance en 1832. Les arguments grecs reposent sur des considérations éthiques et culturelles, affirmant que les marbres devraient être réunis à Athènes, près de leur site d’origine. Le British Museum, en revanche, soutient que les marbres sont accessibles à un public international et bénéficient d’une conservation professionnelle à Londres.
Melina Mercouri et les Sculptures du Parthénon
Qui était Melina Mercouri?
Melina Mercouri (1920-1994) était une célèbre actrice, chanteuse et femme politique grecque. Elle est devenue une figure emblématique en Grèce et à l’international, notamment pour son rôle dans le film « Jamais le dimanche » (1960) qui lui a valu une renommée mondiale. Au-delà de sa carrière artistique, Mercouri a joué un rôle crucial en tant que ministre de la Culture de Grèce.
Son Engagement pour le Retour des Marbres du Parthénon
Melina Mercouri est surtout connue pour sa campagne ardente en faveur du retour des sculptures du Parthénon, également connues sous le nom de marbres d’Elgin, de Londres à Athènes.
Contexte de la Campagne
Lorsque Mercouri est devenue ministre de la Culture en 1981, elle a fait du retour des marbres une priorité nationale. Son engagement passionné a galvanisé l’opinion publique en Grèce et a attiré l’attention internationale sur la question.
Actions et Discours
- Discours à l’UNESCO: En 1982, Mercouri a prononcé un discours émouvant à l’UNESCO, appelant à la restitution des marbres à la Grèce. Elle a fait valoir que les marbres étaient une partie essentielle du patrimoine culturel grec et devaient être réunis avec les sculptures restantes à Athènes.
- Sensibilisation Internationale: Mercouri a voyagé à travers le monde pour sensibiliser le public et les dirigeants politiques à la cause grecque. Elle a utilisé sa célébrité et son charisme pour attirer l’attention sur l’importance de la restitution des marbres.
- Projets Culturels: Sous sa direction, plusieurs initiatives culturelles ont été lancées pour promouvoir le patrimoine grec et pour préparer Athènes à recevoir les marbres. Cela incluait la planification du Nouveau Musée de l’Acropole.
Le Nouveau Musée de l’Acropole
Melina Mercouri a été l’une des principales instigatrices du projet de création d’un nouveau musée à l’Acropole. Elle voulait que ce musée soit un espace moderne et adéquat pour accueillir les « marbres d’Elgin » restitués. Bien que Mercouri soit décédée avant l’achèvement du musée, le Nouveau Musée de l’Acropole, inauguré en 2009, est souvent considéré comme un témoignage de son héritage et de ses efforts pour le retour des marbres.
Héritage
L’héritage de Melina Mercouri en matière de patrimoine culturel est immense. Bien que les marbres du Parthénon soient toujours au British Museum, sa campagne a joué un rôle clé en maintenant le débat sur la restitution des artefacts culturels à l’ordre du jour international. Son travail a inspiré de nombreux autres efforts de restitution culturelle à travers le monde.
Melina Mercouri reste une figure emblématique dans la lutte pour le retour des marbres du Parthénon. Son engagement passionné et son travail inlassable ont non seulement sensibilisé le monde à l’importance de ces sculptures pour la Grèce, mais ont également renforcé la nécessité de la restitution des trésors culturels à leur pays d’origine.
Les sculptures du Parthénon sont parmi les œuvres d’art les plus admirées et les plus débattues au monde. Leur histoire, marquée par la création, la destruction, l’enlèvement et la controverse, reflète les complexités de la conservation du patrimoine culturel et les enjeux des revendications de restitution.