
Dimitris Pikionis : Topographie esthétique
Le Musée Benaki consacre une grande exposition à l’un des architectes les plus emblématiques du XXe siècle grec, Dimitris Pikionis (1887–1968). Intitulée « Topographie esthétique », cette rétrospective, présentée à partir du 22 octobre 2025 dans les espaces du Musée Benaki / Pireos 138, propose un voyage à travers l’œuvre poétique et profondément enracinée dans la terre grecque d’un créateur inclassable.

Organisée en collaboration avec le Círculo de Bellas Artes de Madrid et l’Ambassade d’Espagne en Grèce, avec le soutien de l’Institut Cervantes d’Athènes et de Rokas Renewables – Iberdrola Group, l’exposition « Dimitris Pikionis » fait suite à une première présentation à Madrid en février 2025. À Athènes, l’adaptation a été conçue par Natalia Boura, architecte et responsable des Archives de l’Architecture Néohellénique du Musée Benaki, tandis que la conception graphique est signée Dora Rokou-Pikioni, petite-fille de l’architecte.
Divisée en trois grandes sections, l’exposition met en lumière six projets clés qui traduisent l’évolution de la pensée et du langage architectural de Pikionis : son rapport intime à la nature, sa quête d’un dialogue entre modernité et tradition, et sa manière unique d’unir l’art, l’artisanat et le paysage. À travers des plans, dessins, photographies et extraits de ses écrits, le visiteur découvre un esprit profondément méditatif, pour qui l’architecture était un art de la mesure, du sentiment et de la mémoire.
Un manifeste d’esthétique grecque
Le cœur de l’exposition est naturellement consacré à son œuvre la plus célèbre : l’aménagement des abords de l’Acropole d’Athènes et du chemin menant à la colline de Philopappos (1954–1958). Ce projet visionnaire, aujourd’hui classé, illustre la démarche singulière de Pikionis : un travail mené sur le terrain, pierre après pierre, dans un dialogue continu entre la main de l’artisan, la matière et le lieu.

Une maquette contemporaine permet d’en apprécier la composition subtile, tissée de références symboliques et de fragments d’architecture traditionnelle grecque, savamment réinterprétés. Chaque dallage, chaque courbe de sentier traduit une pensée vivante du paysage, où l’esthétique devient une topographie de l’âme.

Le titre même de l’exposition s’inspire d’un texte clé de Pikionis, « Topographie émotionnelle », publié en 1935 dans la revue Le 3e Œil (Το 3ο Μάτι), qu’il avait fondée avec son ami, le peintre Nikos Hadjikyriakos-Ghika.
Ce texte manifeste esquisse déjà l’idée d’une architecture enracinée dans le vécu, la mémoire et la beauté du quotidien — une manière de « sentir » le lieu avant de le concevoir.
De Munich à l’Acropole
Né à Athènes, Dimitris Pikionis étudie d’abord à l’École polytechnique nationale, avant de partir pour Munich puis Paris, où il se forme à la peinture et au dessin auprès de Lucien Simon à l’Académie de la Grande Chaumière. Il y découvre Cézanne, Klee et Rodin, mais aussi l’esprit du symbolisme européen, qui marquera durablement son approche.

De retour en Grèce, il enseigne à l’École polytechnique, où il introduit ses étudiants à une vision humaniste de l’architecture, fondée sur l’observation de la nature, le respect des traditions et l’expression de l’individualité créatrice.
Sa carrière est jalonnée de réalisations discrètes mais d’une rare cohérence : maisons privées, écoles, jardins, projets urbains, toujours conçus comme des œuvres d’art totales. Pikionis refusait le fonctionnalisme pur et revendiquait une architecture « sensible », à la fois rationnelle et poétique.
En 1966, deux ans avant sa mort, il est élu membre de l’Académie d’Athènes, reconnaissance suprême pour un homme qui avait su donner à la modernité grecque une voix propre, à la fois classique et visionnaire.
Une modernité enracinée
Cette rétrospective, au-delà de l’hommage, invite à redécouvrir un penseur pour qui l’architecture ne se limitait pas à construire, mais à tisser des liens entre l’homme et son lieu.
Dans un monde uniformisé, l’œuvre de Pikionis rappelle que la beauté naît du dialogue entre mémoire et invention, entre nature et culture.
« Topographie esthétique » se présente ainsi comme une méditation sur la Grèce et sur l’art d’habiter poétiquement le monde.
« Dimitris Pikionis. Topographie esthétique »
Musée Benaki / Pireos 138, Athènes
Du 23 octobre 2025 au 25 janvier 2026
